Donald Kaberuka, artisan du retour de la BAD à Abidjan, critiqué par les francophones

Donald Kaberuka, qui lâchera dans quelques jours les rênes de la Banque africaine de développement (BAD), laisse une institution financièrement solide, mais a été accusé d’avoir délaissé les pays francophones au profit des anglophones.

Arrivé en 2005 à la présidence de la BAD, cet ennemi de l' »afropessimisme », petites lunettes rondes et costume toujours impeccable, lègue à son successeur une banque auréolée de la note AAA, décernée par l’agence de notation financière américaine Fitch en 2013.

Sous son impulsion, la BAD, qui a triplé son capital depuis 2003 pour le porter à 91 milliards d’euros, est devenue la première institution de financement du développement sur le continent africain, avec 317 opérations pour un total de 6,2 milliards d’euros en 2013.

Renforcer le secteur privé et investir dans les infrastructures est devenu le credo de la BAD, qui est désormais « mieux représentée » dans « plusieurs des pays fragiles du continent », selon Tchétché N’Guessan, ex-administrateur pour la Côte d’Ivoire à la BAD.

Derrière son image de banquier dur et austère, M. Kaberuka restera également comme le patron qui a traversé la crise financière et internationale de 2009.

Mais au final, « l’histoire retiendra que c’est lui qui a ramené la banque à Abidjan », explique M. N’Guessan à l’AFP.

Selon lui, c’est au prix de « difficiles batailles » que Donald Kaberuka a réussi à ramener la BAD de Tunis à Abidjan, dans un siège « plus grand » permettant au personnel de « travailler dans de meilleures conditions ».

Après le coup d’Etat manqué de 2002 en Côte d’Ivoire et la décennie de crise politico-militaire qui a suivi, l’institution avait été délocalisée à Tunis en 2003. Elle n’est revenue que l’an dernier dans la capitale économique ivoirienne.

M. Kaberuka « a pesé de tout son poids, il avait confiance en la Côte d’Ivoire, en sa capacité à normaliser la situation sécuritaire, administrative », se souvient Mabri Toikeusse, le ministre ivoirien du Plan.

Mais au moment où s’ouvre la course pour sa succession, une partie du monde francophone l’accuse d’avoir privilégié les pays anglophones.

Ainsi, la France voudrait un président « plus soucieux des intérêts » de l’Afrique francophone, entend-on au ministère des Finances à Paris.

Parfait bilingue en français et en anglais, Donald Kaberuka était pourtant vu lors de son élection comme un lien possible entre l’Afrique anglophone et l’Afrique francophone, deux univers où il a vécu et travaillé.

Né en 1952 à Byumba, dans le nord du Rwanda, il a suivi ses parents en exil à l’âge de 8 ans en Ouganda, puis en Tanzanie, avant d’aller étudier en Grande-Bretagne.

Docteur en économie de l’université de Glasgow (Ecosse), il a été enseignant-chercheur à l’université du Sussex (sud de l’Angleterre), avant d’intégrer le secteur bancaire à Londres, notamment à la Lloyds Bank.

Rentré au Rwanda après le génocide de 1994 (plus de 800.000 morts, selon l’ONU), il est considéré comme l’un des artisans du réveil économique du pays, dont il a été le ministre des Finances de 1997 à 2005.

Sept candidats et une candidate se sont d’ores et déjà déclarés pour lui succéder à la présidence de l’institution, qui fête ses 50 ans.

Pour être élu, un candidat doit emporter la majorité des votes de tous les pays membres, et la majorité des votes des pays africains. Si cinq tours de scrutin ne suffisent pas, la BAD peut décider d’ajourner et de procéder à un second vote. C’était arrivé en 2005, lors de la première élection de M. Kaberuka.

 

 

 

Afp

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