Guinée: Bah Oury à la Primature où l’avènement du Doyen de l’opposition (Par Abdoulaye Condé)

Bah Oury PM

Après Jean Marie Doré de l’UPG ( Premier ministre de la Transition de 2010 sous le Général Sekouba Konaté), Alpha Condé (Président de la République de 2010 à 2021 issu de la Transition), Bah Oury, le plus ancien des leaders politiques actuels de l’opposition accède enfin à un poste au sommet ou presque de l’Etat avec sa nomination, mardi 28 février 2024, dans les fonctions de Premier ministre d’un autre Président de Transition, le Général Mamadi Doumbouya. À la fois Brillant cadre, pertinent analyste, replié sur soi sinon extrémiste, farouche opposant dépuis depuis l’indépendance de la Guinée, le grand challenge du nouveau Premier ministre Guinéen reste à prouver son nouveau statut.

Pour ceux qui s’etonnent de cette qualité de Doyen de l’opposition attribuée au 3ème Premier ministre du régime CNRD, il suffit simplement d’interroger l’histoire politique du multipartisme en Guinée.

En effet, le 03 avril 1992, quand le ministre de l’intérieur de l’époque feu René Alseny Gomez publie la liste des touts premiers partis politiques Guinéens agréés, l’opinion nationale et internationale découvrent, à côté des mastodontes déjà connus ( Bâ Mamadou de l’UNR, Siradiou Diallo et Abdoulaye Porthos Diallo du PGP, Alpha Condé du RPG, Jean Marie Doré de l’UPG etc.) un jeune banquier leader de l’UFDG du Professeur Alpha Sow du nom de Bah Oury.

Avec l’accession au Pouvoir en 2010 du Président Alpha Condé correspondant à la fin de son statut d’opposant, la retraite depuis du leader du PGP, Alpha Abdoulaye Porthos Diallo et l’enterrement de son parti, le décès des autres figures citées plus haut, Bah Oury est aujourd’hui, le plus ancien des leaders des parti politiques en Guinée. Il devance de peu, Dr Sekou Koureissy Condé de l’ARENA agréé lors de la 2ème phase d’autorisation des partis politiques comme un certain PUP et de loin Sidya Touré investi en 2000 à la présidence de l’UFR, Cellou Dalein Diallo propulsé au sommet de l’UFDG en 2006, François Lonseny Fall, président fondateur du FUDEC en 2008, Dr Ibrahima Kassory Fofana, président fondateur de GPT, Lansana Kouyaté président fondateur du PDEN en 2009, Ibrahima Abé Sylla, président fondateur du NGR en 2008, Elhadj Mamadou Sylla, président de l’UDG fondé en 2009, Dr Ousmane Kaba de PLUS en 2010 avant PADES en 2017, de très loin des Faya Milimono, Makale Traoré et autres qui ont d’abord milité ailleurs avant de se donner l’âme de leaders qu’ils sont revendiquent aujourd’hui. Seul Bah Ousmane aurait pu lui ravir la vedette, mais, en 1992, le successeur de Siradiou Diallo à la présidence de l’UPR en 2003 était numéro 2 de L’UNR de Bâ Mamadou alors que Bah Oury était déjà présenté comme leader de l’UFDG et, à ce titre, l’un des porte-parole des États Généraux de l’opposition.

Brillant, pertinent mais extrémiste, la singularité de Bah Oury dans le monde politique Guinéen, resulte du fait qu’il est le seul à s’être opposé à tous les régimes Guinéens, mais aussi à ses collègues de l’opposition et même à ses propres partis. Nonobstant son bref séjour au gouvernement entre juin et décembre 2008 au poste de ministre de la réconciliation, le parcours politique de Bah Oury est une histoire d’opposition sous multiples formes, et rarement dans la dentelle.

Le qualificatif de « produit de l’impérialisme  » que lui ont collé les héritiers politiques du Responsable Suprême de la Révolution, feux Elhadj Ismaël Gassim Ghussein, Elhadj Momoh Bangoura ou Elhadj Lancinet Cissé du PDG-RDA résume parfaitement le caractère résolu de l’opposition de l’adolescent des années 60 – 70 du Palais Présidentiel Sénégalais sous le Président Leopold Sedar Senghor au régime du Parti-Etat du Président Ahmed Sékou Touré.
Si le coup d’état du 03 avril 1984 a permis à Bah Oury de mettre fin à l’exil familial, de rentrer en Guinée et y trouver emploi, il ne changea en rien l’homme dans son raisonnement et état d’esprit contre le régime militaire qu’il semblait considérer comme l’aile militaire de l’ancien parti unique renversé.

Et dès l’autorisation du multipartisme intégral, il a commencé à se faire connaître et s’affirmer sur le front de l’opposition.

Au milieu de ses aînés, toujours aux premières lignes des multiples fronts avec les meetings, manifestations ou marches de l’opposition, Bah Oury se fera remarquer par ses prises de position déterminées et radicales contre le régime du Général Lansana Conté dans les années 1990 – 2000. Une posture qui lui a valut bien de désagréments et déboires jusque sur son emploi à la BICIGUI.

Il n’a pas non plus ménagé les différents Premiers ministres du 2ème Président Guinéen. Lansana Kouyaté, Sidya Touré sont bien placés pour le témoigner.

Parallèlement à son opposition au régime du Président Lansana Conté et à ses différents gouvernements, Bah Oury n’entretenait pas non plus les meilleures relations avec certains leaders de l’opposition comme Siradiou Diallo du PRP « trop modéré  » ou Alpha Condé  » souvent sinon toujours absent du pays au moment des actions contre le régime en place « .
Le procès sur la répression meurtrière de la manifestation des Forces vives le 28 septembre 2009 au stade du même nom en dit long sur la nature de sa détermination contre le CNDD et son Président, le Capitaine Moussa Dadis Camara.

Même sous la Transition du Général Sekouba Konaté, Bah Oury n’a pas pu se défaire de son costume d’opposant au point d’être maltraité par la garde du Président intérimaire un jour de 2010 avant l’élection présidentielle.

Ce dernier supportait mal les sorties de Bah Oury contre le réel ou supposé soutien du couple Sekouba Konaté – Jean Marie Doré à l’adversaire de Cellou Dalein Diallo au 2ème tour de la présidentielle de 2010.

Avec l’élection du candidat du RPG, Alpha Condé à la présidence de la République, Bah Oury est à nouveau contraint à l’exil en France notamment à la gare du Nord de Paris où avec certains parias du nouveau Pouvoir il digerait très mal son nouvel éloignement du pays.

Son retour au pays est également marqué par une autre forme d’opposition interne. À nouveau, il se ligue contre le Président de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo et tente de récupérer le parti qu’il a créé. Il échoue lamentablement à nouveau et concède, enfin à lancer un autre mouvement, l’URDG, le 3ème de sa carrière. L’on se souvient, en 2006, quand feu Bâ Mamadou, auquel il avait cédé la présidence de l’UFDG ( l’aidant ainsi à trahir l’accord politique avec feu Siradiou Diallo consistant à faire de l’un candidat de l’UPR à la présidentielle de décembre 1998 et l’autre leader du parti unifié PRP- UNR), a voulu, en 2006, porter Cellou Dalein Diallo à la présidence, Bah Oury s’était fermement opposé à l’option. Il multiplia les déclarations très désagréables et caustiques contre Cellou Dalein Diallo et sa gestion dans ses différents portefeuilles ministériels sous le régime du Président Lansana Conté. Mis totalement en minorité, Bah Oury a été obligé d’abdiquer contre son gré.

Avec feu Professeur Alpha Sow, il mena le même type de combat pour garder l’UFD en vain. C’est en désespoir de cause qu’il avait lancé l’UFDG.

Comme on le voit, le parcours politique du nouveau Premier ministre est une succession d’affrontements et de confrontations. À la vérité, il faut cependant reconnaître que depuis son retour du second exil, le drame du siège de l’UFDG où il a tenté une risquée expédition vouée à l’échec de de récupération de l’UFDG, Bah Oury a entamé un processus de maturité et de sagesse. C’est dans cette croissance qu’intervint le coup d’état du 05 septembre 2021. Et depuis, Bah Oury n’a cessé de mettre sa sagesse et sa maturité à la cause et au service du CNRD et du Général Mamadi Doumbouya, seuls système et Président Guinéens finalement épargnés par l’opposant de toujours. Réalisme oblige, après toute une jeunesse de lutte et d’opposition très rarement fructueuse, il a estimé que le temps de soi, avec le CNRD était venu.

Reconnaissance et récompense du CNRD, pourrait-on dire pour qualifier cet avènement du Doyen de l’opposition Guinéenne Bah Oury.

Reste au nouveau Chef du Gouvernement Guinéen à s’émanciper et à s’affranchir de certaines contingences et trafics d’influences pour s’affirmer et laisser une certaine empreinte dans l’histoire de la Guinée.

 

 

 

Par Abdoulaye Condé

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