Ebola: La « peur raisonnable » des volontaires français prêts à défier l’épidémie en Guinée

« Si on n’a peur de rien, on fera une bêtise »: Max Rives, un médecin français s’entraîne avec quelque appréhension avant de partir pour la Guinée avec d’autres volontaires pour soigner les victimes d’Ebola dans un centre de la Croix-Rouge.

 

Après une heure d’exercices, Max est en sueur, soulagé de se délester d’un attirail qu’on croirait sorti tout droit d’une mission dans l’espace. Sa combinaison jaune, sa cagoule blanche, son masque bleu ciel, ses gants et ses bottes viennent d’être abondamment désinfectés à l’eau chlorée à 0,5%. Direction l’incinérateur.

Sous cette carapace hermétique, « la température peut monter jusqu’à 46° », explique Marie Jaspard, l’une des formatrices de la Croix-Rouge française, de retour de Guinée où elle a travaillé pour Médecins sans frontières. « Le déshabillage est la phase la plus critique, poursuit la jeune femme. Après une heure sous la combinaison, on a le cerveau ramolli et on est couvert de virus. »

« Il faut pouvoir garder la tête froide », plaisante Max, un médecin qui exerce dans le sud-ouest de la France. Et surtout, « rester toujours vigilant, ne pas surestimer ses forces ni ses compétences », ajoute ce réserviste des métiers de santé (la France a aménagé un statut spécial pour pouvoir mobiliser des professionnels pour les missions à l’étranger).

Quelques minutes plus tôt, il se trouvait dans la « zone à hauts risques », celle qui accueille les patients contaminés, pour envelopper une victime factice dans un sac mortuaire avant de la conduire à la morgue.

L’exercice est sensible et ne pardonne aucun faux pas. Soudain, la blouse mal nouée d’une volontaire se détache de sa combinaison. « En temps normal, tu dégages tout de suite, tu prends tes jambes à ton cou et tu rentres chez toi! », lui explique sèchement la formatrice.

« En temps normal », c’est à partir de mardi. Les 24 volontaires en formation décolleront pour Macenta, dans le sud de la Guinée, où la Croix-Rouge vient d’inaugurer son premier centre de traitement Ebola. C’est là-bas, au cœur de la forêt, qu’ont éclaté les premiers foyers de l’épidémie qui a fait près de 5.500 morts en Afrique de l’Ouest, selon le dernier bilan de l’Organisation mondiale de la santé.

Après quelques jours d’immersion, ils prendront le relais de la première équipe envoyée sur place.

– ‘Suffisamment armée’ –

En attendant, les stagiaires s’entraînent. Un centre de traitement Ebola en modèle réduit a été installé au siège de l’organisation. Des zones d’habillage et de déshabillage jusqu’à la morgue, en passant par le triage des patients: tout a été reproduit le plus fidèlement possible.

Dans cette « promo » se croisent des professionnels de santé aux profils très divers: médecins, infirmiers, épidémiologistes, pharmaciens, responsables logistique. La formation, elle, est identique pour tous.

« L’idée, c’est que chaque personne connaisse le travail de l’autre », résume Vincent Falgairau, coordinateur de la formation à la Croix-Rouge.

Inlassablement, chacun répète les bons gestes « jusqu’à ce qu’ils deviennent des réflexes », souligne Max Rives. Malgré la masse d’informations à digérer, une infirmière venue de Guyane française, qui demande à préserver son anonymat, pense qu’elle sera « suffisamment armée » avant de partir.

Ces quelques jours de formation sont aussi le moment privilégié pour « créer des liens avant le départ », estime Marie Jaspard. Car une fois sur place, par mesure de sécurité, tous les volontaires travailleront par binôme, jamais seul.

« S’il y en a un qui se sent mal, les deux sortent ensemble. C’est le côté sympa de la mission, tout le monde regarde tout le monde, on se protège les uns les autres, précise-t-elle.

« C’est du travail en équipe, il ne faut pas mettre la vie de son collègue en danger », complète Max.

Cette solidarité permet aux volontaires de surmonter leur appréhension. « Avec nous, il y a des gens qui ont été sur place et sont revenus. On a un retour des précédentes missions, se rassure l’infirmière de Guyane. Ca désacralise cette maladie qui fait si peur ».

 

 

 

 

Afp

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