Soguipah: La colère des communautés locales

Les communautés locales de Diécké et de Bignamou ne sont pas contentes de la Guinéenne de palme et d’hévéa.Dans un mémorandum remis à la presse, ces communautés n’entendent pas s’arrêter à mi-chemin.

Elles décident de saisir les autorités au plus haut niveau. En premier chef, le président de la République Alpha Condé. Intégralité…

MEMORANDUM PORTANT SUR LA MAUVAISE GESTION DE LA SOGUIPAH DES COMMUNAUTES DE DIECKE ET BIGNAMOU

A : Son Excellence M. le Président de la République, Chef de l’Etat ;

M. le Premier Ministre, Chef du Gouvernement

Madame la Ministre de l’Agriculture

M. le Ministre de l’Economie et des Finances

M. le Président de l’Assemblée National

Madame la Directrice Générale de SOGUIPAH

Dans le souci de réorganiser, relancer son développement socioéconomique en se basant sur la filière agricole, le gouvernement guinéen a initié en décembre 1984 un complexe agro-industriel (CAI) avec l’appui de l’Agence Française de Développement dans les communes rurales de Diécké et Bignamou (préfecture de Yomou). C’est ainsi qu’en 1987 l’Etat crée la SOGUIPAH ayant pour charge d’une part la création et la gestion des plantations de Palmiers à huile et d’Hévéas et d’autre part de réaliser, pour le compte de l’Etat, une opération de développement régional et de réaménagement du territoire au profit des populations des zones concernées.

A cet effet, une convention de collaboration en date du 19 juin 1986 a été élaborée par le gouvernement et les bailleurs de fonds en faveur des populations des deux localités.

Au titre des résultats, nous voudrions souligner les importants investissements réalisés et les effets positifs non négligeables de la présence de la SOGUIPAH dans nos localités.

Que le gouvernement trouve ici l’expression de nos vifs remerciements.

Cependant, après vingt sept ans d’activités intenses, force est de reconnaitre que les espoirs suscités à la création de cette société sont loin d’être comblés, en particulier sur les plans socioéconomique et environnemental.

En effet, si les activités agro-industrielles initiées, projetées et mises en œuvre par le gouvernement en 1987 sont elles-mêmes très rentables et porteuses de croissance, la gestion des affaires de la société pose globalement problèmes.

La SOGUIPAH, société agro-industrielle fait aujourd’hui figure de poumon dans l’économie guinéenne. Elle est pour tout le peuple de Guinée en général et pour les deux communautés (Diécké et Bignamou) en particulier, un trésor à préserver jalousement. Cependant l’analyse montre que si le système actuel de gestion n’est pas remédié, l’entreprise risque de tomber en faillite dans un proche avenir. La crise financière traversée par l’entreprise courant dernier trimestre 2013 (réduction de dotation en carburant pour l’électrification domestique de certains cadres non résidants dans les cités d’une part ainsi que les horaires de fourniture d’électricité aux cadres résidants dans les cités, réduction des prîmes habituelles de fin d’année des travailleurs de 50%, non approvisionnement suffisant en intrants agricoles) en est une parfaite illustration.

C’est pourquoi, les jeunes diplômés ayant passé le test de recrutement à la SOGUIPAH, résolument déterminés à promouvoir le développement socioéconomique de leurs localités, ont, au non de leurs populations, jeté un regard critique sur les actions de cette entreprise, regard qui les a amené à exposer leurs lamentations, mécontentements et cris de cœur sous forme de plateforme de revendication à travers ce mémorandum.

LA DISCRIMINATION NOTOIRE DANS LE PROCESSUS DE RECRUTEMENT, AVANCEMENT ET RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SOGUIPAH.

Il est d’un principe cardinal que le recrutement du personnel de toute entreprise est basé sur les critères de compétence, la culture de l’excellence qui se traduisent d’ailleurs, le plus souvent, par la publication d’appel d’offre. Si les avancements (promotion) dans chaque entreprise sont attribués en se fondant sur la compétence et expériences professionnelles, les réalités de la SOGUIPAH sont tout autres, car même la retraite qui doit s’appuyer sur l’ancienneté et l’inaptitude professionnelle n’obéit pas aux principes.

Recrutement

Le recrutement à la SOGUIPAH est discriminatoire ; puisque fondé sur le sentiment personnel, la complaisance et le bon vouloir de la Directrice Générale de SOGUIPAH qui pour se maintenir accorde des traitements de faveur à ses proches ainsi qu’aux protégés de certains hauts cadres de l’administration publique et de l’opposition (Elhadj Papa Koly KOUROUMA par exemple). Ceux-ci sont parachutés avec des promotions pour occuper des postes de responsabilité.

Contrairement aux fils du terroir qui n’ont ni affinité avec la Directrice, ni de parents haut placés dans l’administration publique, ont peu de chance d’accéder à l’embauche même si ces derniers requièrent toutes les compétences et expériences professionnelles.

A un moment donné de l’évolution de l’entreprise, la Direction Générale, vu la pléthore de chercheurs d’emplois a jugé utile que la seule voie et d’ailleurs privilégiée d’accéder à l’emploi est de passer un test. Cette annonce a suscité assez d’espoir au sein de la jeunesse des deux communautés.

A ce sujet, le premier test de recrutement fut lancé le 12 novembre 2012 avec pour centre la commune rurale de Bignamou pour la première vague et le centre de Conakry pour la seconde vague.

Il est important de souligner que jusqu’ici les résultats ne sont pas publiés. Ce qui est d’ailleurs frustrant de tout cela est que certains candidats qui ont passé le test dont le résultat n’est pas publié, sont déjà embauchés avec promotion. De même, certains membres du jury dudit test sont aussi embauchés. La seule question que l’on se pose est de savoir par quels critères ces deux catégories de personnes ont accédé à l’embauche. Où sont donc passés les résultats ?

Promotion et retraite

Au vu et su de tous, l’attribution de la promotion aux travailleurs de la SOGUIPAH est fonction des affinités. Pour preuve aucune stratégie d’attribution de promotion n’est définie par la Direction des Ressources Humaines comme dans d’autres entreprises. Encore pire, le personnel recruté depuis Conakry parachute avec des promotions quand bien même dans la plupart des cas, ces nouvelles recrues sont sans compétences requises ni d’expériences professionnelles et qui malgré tout se forment auprès des anciens, lésés puisque sans aucune affinité avec la Directrice.

Force est de reconnaitre que 95% des cas de retraite ne concernent que les ouvriers alors que la retraite des cadres fait toujours l’objet de report, et même s’il y en avait, ces cadres sont retenus en qualité de consultants travaillant en plein temps aux mêmes postes et bénéficiant d’une double rémunération. A titre d’exemple, l’on retient le cas du Chef de la Cellule Contrôle Gestion, Directeur de l’huilerie pour ne citer que ceux-là quand bien même ceux-ci sont au-delà de l’âge d’aptitude professionnelle. Si fait, qu’ils font leur temps et celui de leurs enfants.

Il est à noter que les travaux qui sont les plus pénibles (récolte de régimes, saignée, travaux d’entretien des plantations et usines…) sont généralement réservés aux fils du terroir tandis que les postes de décision (Directeur, Chef de service) leur sont très rarement confiés.

PROBLEMES DE GESTION

Lors de son institution, l’Etat a défini et confié à la SOGUIPAH des mesures d’accompagnement en faveur des populations des communes rurales de Diécké et Bignamou. De nos jours, aucune lumière n’est faite sur les relations SOGUIPAH-Planteurs familiaux et privés d’une part, d’autre part SOGUIPAH-Communautés. Ce qui du coup crée une opacité dans la gestion avec la non application des différentes conventions de collaboration dont celle élaborée en date du 19 juin 1986 en est une parfaite illustration.

Relation SOGUIPAH-Planteurs Familiaux

La nature de la relation entre la SOGUIPAH et les planteurs familiaux est véritablement floue en ce sens qu’aucun planteur ne maîtrise avec exactitude les contenus des différentes conventions qui d’ailleurs restent méconnues de ceux-ci. Il résulte de cette mauvaise relation les constats ci-après :

La non application du désengagement du planteur riz, Palmier à huile et d’Hévéas de toute obligation de livraison de ces produits à un quelconque usinier, suite à la modification du contrat planteur (diversification volet agricole) en date du 25 septembre 1998.

Le manque de transparence dans la gestion du Fonds de Développement du Palmier à huile et d’Hévéas (FDPH), créé le 10 juillet 1990 par arrêté conjoint du Ministère de l’Economie et des Finances et du Ministère du Plan et de la Coopération. En effet le document régissant ce Fonds dispose que sa gestion, confiée à la SOGUIPAH, devrait faire l’objet d’une comptabilité transparente et séparée (Plantations Industrielles et Plantations Familiales). Par ailleurs, le comité Directeur de ce Fonds (organe de contrôle) ne s’est pas réuni depuis 1995. Comme conséquence de cette situation, on peut citer entre autre la méconnaissance par les planteurs des mouvements de leurs comptes bien entendu que ce Fonds avait été créé pour permettre à la SOGUIIPAH d’appuyer les paysans à créer et entretenir les plantations (investissements consentis par la SOGUIPAH et remboursement effectués par les planteurs) et dont le remboursement a été annulé par les bailleurs. Mais la SOGUIPAH continue de prélever ce remboursement sur les ristournes.

La fixation unilatérale par la SOGUIPAH du prix des produits (régimes de palme et coagulum), sans associer les planteurs. En effet, il en manque de transparence notoire dans la fixation du prix des produits aux planteurs qui reste à la discrétion de la SOGUIPAH ;

La mission de contrôle financier et de commissaire aux comptes de la SOGUIPAH est confondue aux opérations du Fonds (FDPH) qui sont gérées par la SOGUIPAH. Cette situation de juge et de partie compromet le caractère impartial que devrait revêtir une telle mission. Le contrôleur financier et commissaire aux comptes étant recrutés et payés par la SOGUIPAH, ce qui favorise la SOGUIPAH au détriment des planteurs.

L’interruption inattendue en 2003 et à mi-parcours, du financement des activités d’entretien des PF, ainsi que les mesures d’accompagnement telles que la lutte contre la bilharziose, l’alphabétisation, la formation, le développement de la pisciculture etc… ;

L’ignorance par les planteurs de l’annulation de dettes extérieures du FDPH par les bailleurs et sa conséquence sur le remboursement effectué par eux à la SOGUIPAH ;

La méconnaissance de la situation des ristournes prélevées sur les avoirs des planteurs ;

Le retard accumulé dans le versement des ristournes par la SOGUIPAH notamment celles de 2012 et de 2013 non encore versées.

Relation SOGUIPAH-Planteurs Privés

L’interruption des extensions des Plantations Familiales en 2003 et le boum économique crée par le Palmier à huile et d’Hévéas ont poussé les paysans à entreprendre à leur propre frais la création des plantations privées dans les deux localités (Diécké et Bignamou) dans le souci d’améliorer leur condition de vie et de contribuer efficacement au développement communautaire. Cependant, ces planteurs sont abusés à plusieurs niveaux :

L’achat de leurs produits (régimes et coagulum) par la SOGUIPAH aux mêmes prix que ceux des plantations familiales, alors qu’ils n’ont reçu aucune subvention de l’entreprise ;

Le refus de la SOGUIPAH de leur retourner les montants prélevés sur leurs avoirs sous forme de ristourne ;

Le manque d’appui de la SOGUIPAH à ces planteurs de s’organiser en groupements, en unions, pour mieux défendre leurs intérêts ;

Le refus d’accord de subvention de toute nature à ces planteurs alors qu’ils sont partenaires à la SOGUIPAH de par la livraison de leurs produits.

Relation SOGUIPAH-Communautés

Les différentes conventions de collaboration signées entre la SOGUIPAH et la population des deux communautés sont dissimulées par les responsables de l’entreprise à tel point que personne à Diécké et à Bignamou ne peut définir clairement la responsabilité sociale et environnementale de la société envers ces communautés. Les localités de Diécké et Bignamou incontestablement favorables de par leurs conditions climatiques et écologiques à la création des plantations de Palmiers à huile et d’Hévéas font de la SOGUIPAH la seule géante agro-industrielle en République de Guinée du point de vue économie.

Ces énormes Fonds générés par la SOGUIPAH devaient en principe contribuer au développement de base des deux localités. Mais le constat est tout autre car en dehors de quelques rares infrastructures (hôpital, école, salle polyvalente) récemment réalisés, non encore opérationnelles, et seulement au bénéfice des travailleurs de l’entreprise, les populations des deux localités se trouvent confrontées à d’énormes difficultés dont entre autre :

L’insuffisance des mesures de protection de l’environnement (pollution atmosphérique par la poussière) ;

Manque d’électricité dans les communes rurales ;

Manque d’adduction d’eau potable dans les communes rurales favorisant ainsi la prolifération des maladies hydriques et autres ;

L’insuffisance des moyens d’appui dans le domaine éducatif ;

Refus de la SOGUIPAH d’électrifier les locaux de l’administration publique (Sous-préfecture, Mairie, gendarmerie, police) alors que les domiciles de certains cadres de l’administration publique situés à proximité de ces locaux jouissent du courant 24h sur 24, pour la simple raison que ces derniers sont inféodés à la Direction de l’entreprise.

Il reste à comprendre que le Fonds d’Assistance Sociale destiné aux communautés hospitalières est distribué tous les jours, de façon anarchique, à l’antenne par la Directrice Générale aux personnes n’ayant aucun lien avec la communauté et l’entreprise. Le journal de caisse tenu à l’antenne de Conakry en fait foi.

Au regard de ce qui précède, nous, jeunes, porte-flambeaux, au non des communautés de Diécké et de Bignamou, demandons avec insistance :

Création d’un poste des Relations Communautaires ;

L’embauche prioritaire des fils du terroir ;

Remplacer la Direction actuelle de la SOGUIPAH par des cadres intègres, patriotes, disposant d’une bonne connaissance de la localité et consensuellement proposés par les communautés abritant la SOGUIPAH. Ces communautés sont parties prenantes de la SOGUIPAH à travers les plantations familiales et privées à hauteur de plus de 45%.

L’instauration d’une plateforme de discussion et de fixation des prix des produits

Le transfert de la Direction Générale de SOGUIPAH à Diécké, afin de faciliter les relations planteurs-SOGUIPAH, employés-SOGUIPAH et Communauté-SOGUIPAH ;

La mise à la disposition des représentants légaux des planteurs :

d’une copie de la convention de collaboration du 19 juin 1986 ;

d’une copie du contrat planteur du 25 septembre 1998 ;

d’une copie de tous les documents relatifs de FDPH du 10 juillet 1990.

La clarification de la situation des investissements en faveur des Plantations Familiales (PF) et des remboursements dont entre autres :

les prêts consentis par les bailleurs de fonds ;

Les dons et subventions non remboursables octroyés par l’Etat et les bailleurs ;

Les prélèvements opérés par la SOGUIPAH, lors de l’achat des produits ;

Le coût des travaux, des équipements, des matériels et fournitures que la SOGUIPAH a valorisé et déboursé pour le compte des PF ;

Le remboursement des prêts éventuels garantis ainsi que les intérêts y afférents pour la réalisation des programmes PF

la dissociation de la mission de contrôle financier et de celle des commissaires aux comptes ;

la clarification de la situation cumulée des ristournes prélevées sur les avoirs des planteurs privés depuis le début des activités de production

le relèvement substantiel du niveau de la contribution au développement local des Communes rurales de Diécké et Bignamou à 4% du chiffre d’affaire annuel au moins;

la mise à la disposition de la communauté d’une copie de l’étude d’impact environnemental ;

l’électrification des villes de Diécké et Bignamou dans une première phase et de tous les villages couverts par le projet, une deuxième phase ;

la construction d’un stade omnisport et d’un marché moderne ;

la construction et équipement des maisons de jeunes de Diécké et Bignamou ;

Ce mémorandum, l’expression du mécontentement généralisé des populations de Gbeinson (Diécké) et de Nyékoré (Bignamou) à travers leurs jeunesses est loin d’être révolutionnaire. Il dépeint de façon objective les réalités vécues au quotidien par lesdites communautés. Il est donc légitime.

A la lumière de tout ce qui précède, nous attirons l’attention du Gouvernement et lui accordons un délai de 72 heures d’entreprendre un dénouement heureux de la présente crise. Passé ce délai, nous utiliserons tous les moyens pacifiques légaux pour obtenir satisfaction.

Ampliation :

– Présidence de la République : ……………………………………………….. 1/14

– Primature : ……………………………………………………………………………. 1/14

– Ministère de l’Agriculture : ……………………………………………………. 1/14

– Ministère de l’Economie et des Finances : …………………………….. 1/14

– Assemblée Nationale : …………………………………………………………… 1/14

– Direction Générale de SOGUIPAH : …………………………………………. 1/14

– Gouvernorat de N’Zérékoré : ……………………………………………….… 1/14

– Préfecture de Yomou : ……………………………………………………………. 1/14

– Sous-préfectures de Diécké et Bignamou : ……………………………… 2/14

– Communes Rurales de Diécké et Bignamou : ………………………….. 2/14

– Archives : ……………………………………………………………………………….. 2/14

Fait à Diécké, le 28 janvier 2014

Pour la jeunesse de Diécké :           Pour la jeunesse de Bignamou :
SONOMY Michel                                  BALAMOU Niankoye

Le Porte Parole                                     Le Porte Parole

Tel : 655 63 62 17/ 666 89 23 91/ 628 61 02 67

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