Crise gambienne: voici pourquoi Jammeh s’exile à Malabo, pourquoi Barrow reste à Dakar…

jammeh-barrowMalgré le départ de Yahya Jammeh en Guinée équatoriale qui lui a offert l’asile, le nouveau président gambien, Adama Barrow, a décidé de rester au Sénégal, où il est hébergé depuis plusieurs semaines.

Destination : la Guinée équatoriale. Après plusieurs jours de négociations, Yahya Jammeh a trouvé refuge, dimanche 22 janvier, dans le pays de Teodoro Obiang Nguema. Lequel a affrété, selon Radio France Internationale (RFI), l’un de ses avions pour permettre à l’autocrate gambien déchu de rejoindre Malabo depuis Conakry, où il attendait de connaître son point de chute.

La Guinée équatoriale ne figurait pourtant pas parmi les pays hôtes initialement évoqués lors des pourparlers entre la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), l’Union africaine (UA), les Nations unies et l’ancien homme fort de Banjul. De fait, comme l’explique RFI, « ce n’est que vendredi, au cours des ultimes négociations, que le président Obiang aurait offert l’asile à l’ex-chef d’État gambien ». Les différentes parties acceptent la proposition. Yahya Jammeh y voit une garantie d’échapper à d’éventuelles poursuites tandis que l’équipe de son successeur Adama Barrow se réjouit, précise la radio citant des négociateurs, de savoir l’ex-dictateur « le plus éloigné géographiquement possible de Banjul ».

Jammeh ne veut pas du Nigeria

Peut-être est-ce parce qu’elle fut jugée trop proche géographiquement de la Gambie que la Mauritanie, un temps pressentie pour accueillir Jammeh, a été disqualifiée. Idem pour le Maroc qui, croit savoir RFI, avait les faveurs de l’épouse, guinéo-marocaine, de l’ancien président.

Le Nigeria, que le Parlement gambien avait envisagé comme pays hôte, n’a en revanche pas été du goût de l’intéressé. Pour deux raisons : l’empressement affiché d’Abuja à faire intervenir ses troupes en Gambie et — surtout — la manière dont le pays a, par le passé, géré le cas Charles Taylor. En 2003, le Nigeria avait en effet offert l’asile à l’ancien chef de l’État libérien avant de le livrer, trois ans plus tard, au Tribunal spécial pour la Sierra Leone (qui le condamna à 50 ans de prison pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre).

Bien qu’on ignore si Jammeh est définitivement à l’abri de la justice, au moins aura-t-il échappé à l’humiliation d’une déroute militaire. Mieux, dans une déclaration commune publiée peu après son départ de Gambie, la Cédéao, l’UA et l’ONU ont salué sa « bonne volonté » pour parvenir à un dénouement pacifique de la crise. Résultat : les trois organisations se sont engagées à garantir ses droits, y compris à revenir dans son pays, et tâcheront de le soustraire, avec les siens, aux tentatives de « harcèlement » et de « chasse aux sorcières ».

Caisses vides

« Bonne volonté »… Pour la nouvelle présidence, le terme n’est pas forcément approprié. Ce lundi, la nouvelle administration gambienne accusé Yahya Jammeh d’avoir vidé les caisses de l’État avant de s’envoler pour la Guinée. « Au moment où nous prenons en main le gouvernement, la Gambie est en détresse financière », a ainsi affirmé Mai Fatty, un proche conseiller du nouveau chef de l’État gambien, toujours réfugié à Dakar où il a prêté serment jeudi. « En l’espace de deux semaines, a-t-il précisé, 500 millions de dalasi ont été retirés » par Yahya Jammeh, soit près de 11 millions de dollars.

Pour les négociateurs, l’exil consenti de celui qui régna d’une main de fer durant 22 ans sur la Gambie demeure en tous cas la moins douloureuse des solutions. « Le plus important était d’éviter la guerre », a estimé, samedi, le président guinéen Alpha Condé, qui fut le dernier médiateur dans la crise gambienne.

« Un pays doit avoir un président »

Reste que pour Adama Barrow, les conditions sécuritaires ne sont pas suffisamment satisfaisantes pour qu’il puisse commencer son mandat. Dans une déclaration lue en son nom par Mai Fatty, le nouveau président a souhaité que les forces de la Cédéao « restent en Gambie jusqu’à ce que la situation générale sur le plan de la sécurité y ait été globalement rétablie ».

Ces forces poursuivront leur action « conformément au mandat qui s’exercera jusqu’à ce que le président Barrow prenne effectivement fonction » et que « les conditions de l’exercice effectif du pouvoir » par le nouveau chef de l’État « soient réunies », a pour sa part assuré le général sénégalais François Ndiaye, le commandant de l’opération de la Cédéao en Gambie (Micega).

La Cédéao a néanmoins mis en garde contre une trop longue vacance du pouvoir, estimant au sujet du retour d’Adama Barrow que « le plus tôt sera le mieux car un pays doit avoir un président, un gouvernement ».

In AFP

About Author

Abonnez-vous à notre newsletter