COP21 : ce qu’il faut savoir des engagements africains pour le climat

La date limite est désormais passée. Les 195 pays attendus à Paris du 30 novembre au 11 décembre pour la COP21 avaient en effet jusqu’au 1er octobre minuit pour rendre leur copie en matière d’engagements climatiques. Une date respectée par la grande majorité des pays africains, dont les promesses doivent désormais être financées.

Objectif de ces engagements : préparer les débats de la Conférence sur le climat de Paris, présentée comme le rendez-vous climatique de la dernière chance. Mais surtout inciter les États à fournir un plan ambitieux de réduction de gaz à effet de serre (GES) pour arracher un accord international limitant le réchauffement climatique à 2 degrés.

La très grande majorité des pays africains se sont engagés

Si certains des 195 pays ont manqué l’appel, ils sont plus 140 à avoir pour l’heure dévoilé leurs engagements. L’Afrique ne fait pas exception à la règle : huit pays, dont le Nigeria, première économie et démographie du continent, manquent encore à l’appel à ce jour. Le Soudan du Sud, la Libye ou encore la Somalie figurent également sur la liste des retardataires.

Malgré ces absences, le bilan est toutefois jugé très positif. « C’est la première fois qu’autant de pays contribuent, c’est un énorme progrès, nous ne sommes pas loin du grand chelem », salue Pierre Radanne, expert en énergie et climat et membre du Comité d’organisation de la COP21.

Un sentiment largement partagé. « Les États africains ont joué le jeu de l’atténuation alors qu’ils étaient davantage attendus sur le terrain de l’adaptation au réchauffement climatique », explique Imène Ben Rabat d’Expertise France, organisme ayant accompagné l’élaboration des engagements d’une vingtaine d’États africains.

« Au regard de l’ensemble des contributions qui ont été soumises, la limitation du réchauffement climatique devrait s’établir à 3 degrés plutôt qu’à 2 degrés, » signale néanmoins Pierre Radanne.

Comment comprendre ces engagements ?

Premier enseignement : toutes ces promesses ne peuvent êtres comparées. Si le Maroc s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 13% d’ici 2030 quand les Comores ont de leur côté promis de les baisser de 84%, il faut garder à l’esprit que l’archipel est responsable d’une part infime des émissions mondiales – 0,00045% en 2010 -, contre 0,2% pour le Maroc sur la même période.

D’autres biais empêchent par ailleurs toute comparaison. Car au-delà des contextes économiques et démographiques spécifiques à chaque pays, tous n’ont pas choisi la même année de référence pour calculer les réductions de gaz à effet de serre promises. Si certains se sont basés sur l’année 2005, d’autres ont en revanche fixé 2010 ou 2005 comme référence, biaisant ainsi toute tentative de comparaison.

Autre différence majeure, celle du financement. Si l’Algérie a par exemple promis de financer les 7% de réduction « avec les moyens nationaux », la plupart des États africains ont conditionné leur projet aux financements internationaux. En clair, si ces derniers, comme la RDC, la Tunisie ou encore les Comores ne reçoivent pas de fonds étrangers, leurs projets ne sauraient être appliqués.

Comment financer les projets africains ?

C’est l’un des enjeux majeurs de la Conférence de Paris. Car pour le seul continent africain, les promesses déposées se chiffrent en centaines de milliards de dollars. Parmi les projets les plus coûteux, figurent notamment ceux de l’Éthiopie, de la Zambie, du Bénin ou encore du Kenya.

Des montants colossaux, censés être en grande partie financés par le secteur privé, mais aussi par le « Fonds verts pour le climat ». Cette gigantesque cagnotte internationale doit désormais être remplie par les pays les plus riches. Objectif : appuyer la transition énergétique des États les plus pauvres de la planète, dont certains subissent déjà de plein fouet les conséquences du réchauffement climatique auquel ils n’ont que très peu contribué. En théorie, ce fonds devrait être alimenté de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020. Mais à moins de deux mois de l’ouverture de la COP21, la tirelire est bien loin d’être remplie.

Le financement des projets, clé du succès

Le financement sera pourtant l’une des clés de l’accord. La plupart des pays africains ont en effet ajouté des engagements « conditionnels » à leurs promesses, également soumises à une aide internationale. « Le Sénégal s’est par exemple dit prêt à ne pas construire une centrale à charbon s’il recevait des aides internationales pour financer des solutions plus propres », ajoute Nicolas Drunet.

Même situation pour l’Éthiopie, qui a conditionné la réalisation de son projet – l’un des plus ambitieux du continent -, à l’aide financière internationale. « La contribution de l’Éthiopie est particulièrement ambitieuse : son projet revient à stabiliser par rapport à aujourd’hui ses émissions de gaz à effet d’ici 2030, en tenant compte de son développement économique et surtout démographique », décrypte Sandrine Mathy, chargée de recherche au CNRS et spécialiste des politiques environnementales.

La participation financière des pays du Nord, une question de « justice climatique »

Les pays les plus polluants sont donc priés de mettre de l’argent sur la table. « Les coûts des projets africains ne sont pas démesurés, dans la mesure où ils sont parmi les principaux affectés par le réchauffement climatique », souligne Marion Richard, responsable climat et développement du Réseau action climat.

Inondations en Afrique de l’Ouest, désertification au Sahel ou encore érosion des côtes : la facture des catastrophes environnementales se fait déjà sentir. «Le coût du changement climatique pour les pays africains est estimé entre 7 et 15 milliards de dollars par an. Et si rien n’est fait, le Programme des Nations unies pour l’environnement estime que cette somme pourrait atteindre les 50 milliards par an d’ici 2050″. Avant de conclure : « La contribution des pays riches relève donc avant tout de la justice climatique. »

 

JA

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